Impuissante

Voilà presque un mois passé depuis la rentrée. Le temps de faire un petit bilan, non ? 

 Première chose : je pensais que ça durerait quelques jours, voire deux ou trois semaines, mais non, c'est coriace, ça s'attache : je suis pas fan du CP, décidément. Autant j'avais apprécié le CP-CE1, autant le CP, c'est lourd. Ils sont très très très peu (allez, encore un ou deux "très", là, ça mérite vraiment) très très peu autonome. C'est fou ! Et j'ai beau le savoir, essayer de me le rentrer dans la tête... tous les matins, je tombe des nues. 

- "Maîtreeeeeesssse ! Maîtreeeeesssse ! On met où, le cahier qu'on sort du sac ?" 

- "Maîtresse ! Maîtresse ! Maîtresse ! Maîtresse ! Maîtresse ! (Le tout, en même temps que je suis en train de répondre à quelqu'un, et sans lever le doigt, bien sûr. De sorte que j'ignore. Et qu'au seuil de saturation atteint, je m'énerve. Mais non, il ne comprend toujours pas que je ne répondrai pas tant qu'il n'aura pas levé le doigt. Ca, ça rentre pas chez lui.) 

- "Maîtresse, on colle là ?" 

- "Oui, on colle là." (ou non, ça change, des fois. Mais quand il faut que je réponde non, c'est mauvais signe. Parce qu'invariablement, j'ai tout expliqué avant. Ce qui suppose qu'il (ou elle) n'a pas écouté. Donc... ça m'énerve.) 

- "Maîtresse, on colle là ?" 

- "Maîtresse, on colle là ?" 

- "Maîtresse, on colle là ?" 

Alors, je finis par punir tous ceux qui posent la question. J'suis pas un perroquet, moi. J'explique toujours. Calmement, en attendant (parfois de longues, très longues minutes) l'attention de tout le monde. J'explique, je montre en même temps. Alors quand on me redemande une fois, à la limite, ça passe. Les autres fois, ça casse. 

Dites, les collègues, je suis normale ou pas ? Et mes élèves, ils sont normaux ou pas ? Non parce que je me pose des questions, moi, le soir... Quand on n'a pas fait ce qui était prévu parce qu'on a passé notre temps à attendre le calme pour donner des consignes, et que j'ai râlé soixante fois par minute (environ), je me demande, quoi... 

Deuxième chose : un point sur la maternelle. 

J'ai pas remis le nez dans les programmes de GS, mais là, quand même... Sur mes 15 élèves, je me suis rendu compte le premier jour en voulant faire une dictée de lettres (quelle utopique j'étais, à l'époque ! J'étais folle ! Vouloir faire une dictée de lettres le premier jour de CP, inconsciente, va !!) qui a tourné en récitation de l'alphabet, que : 

- 5 élèves connaissaient l'alphabet. 

- 5 savaient le réciter, mais à condition qu'ils chantent la comptine en même temps (sans, c'est mort, je ne parle même pas de commencer l'alphabet n'importe où). 

- 5 autres bloquaient à F. Enfin, 6 lettres, c'était déjà bien, non ? (Aaaaaaaahhhhhh ! Mais où je suis tombée ?!? Et comment j'en arrive, un mois après, à trouver que 6 lettres, c'est "déjà bien" ?!) 

Un mois après, disons que 10 savent à peu près reconnaître les lettres que je leur montre (bon, y'a encore des soucis avec les b, d, p, q, l, m, n et autres v, w, y et z, mais bon. On s'en contente.) Les cinq autres... mouarf ! J'ai même pas envie de dire où ils en sont ! On dirait que je n'ai pas bossé l'alphabet du tout pendant un mois, ni "à blanc", ni en jouant au loto, ni en demandant quelle est cette lettre, quel son elle produit, pendant les innombrables séances de lecture... Encore qu'il y en a un, on voit qu'il bosse à la maison, ça finit par venir. Tout doucement, mais ça vient. Mais les autres... Une véritable catastrophe. 

Troisième chose : la mémoire. 

Là, y'a un truc que je ne comprend pas. J'ai donné une poésie en début d'année, que j'ai fait apprendre en deux fois. Le lendemain soir, ils la savaient presque tous en entier. Je n'ai pas changé mes plans, j'ai interrogé seulement au bout de deux semaines, et là, surprise : tous, sans exception, la connaissaient sur le bout des doigts ! 

Alors il faut m'expliquer : pourquoi mes élèves en difficulté (sauf celui dont on voit qu'il doit y passer des longues heures à la maison) n'arrivent toujours pas à retenir que "l" et "e", ça fait "le" ? J'ai eu beau leur répéter des millions de fois, leur lire, leur faire dire, leur faire "lire", leur faire décomposer les sons des lettres, leur faire écrire... Non, quand ils sont face à un texte, qu'ils voient "le", ils me disent "cartable", "Justine", "maman", ou n'importe quel autre mot qui leur passe par là tête à ce moment là... Je veux bien qu'ils aient des difficultés, mais là ? Au bout d'un moment, ils devraient le mémoriser, non ? 

Je crois que je vais m'arrêter là. J'ai encore plein de choses à raconter, mais ça revient toujours au même : je n'arrive pas à comprendre mes élèves (enfin, la partie en difficulté, les autres ça va. Mais je ne retient que ceux en difficulté, toutes les minutes qui passent. Je sais, mon chéri, faut que je voie le positif. Le POSITIF, bordel !!). C'est normal, docteur ? 

Bref, comme dirait l'autre. Je suis maîtresse de CP.